Cancérologie-greffes-hématologie: les médicaments à écarter pour mieux soigner en 2024.
Pour la douzième année consécutive, Prescrire a publié au début de l’année, le bilan des médicaments à écarter pour mieux soigner. Ce bilan recense de manière documentée des médicaments plus dangereux qu’utiles, avec pour objectif d’aider à choisir des soins de qualité, de ne pas nuire aux patients et d’éviter des dommages disproportionnés. Il s’agit des médicaments (parfois seulement une forme ou un dosage particulier) à écarter des soins dans toutes les situations cliniques dans lesquelles ils sont autorisés en France ou dans l’Union européenne.
Selon Prescrire, tous les médicaments ne se valent pas. Dans certaines situations, des médicaments sont utiles : ils apportent un progrès thérapeutique par rapport à d’autres options. En revanche, d’autres sont plus dangereux qu’utiles et sont à écarter de la panoplie thérapeutique.
Prescrire est une revue indépendante qui diffuse depuis les années 1980 des informations sur les médicaments en s’appuyant sur le travail collaboratif de médecins, de pharmaciens et de spécialistes du médicament. Elle est réputée pour son indépendance vis-à-vis des lobbies pharmaceutiques, mais aussi du ministère de la santé, de l’assurance maladie ou des agences du médicament. Elle dénonce régulièrement des traitements sans effet voire dangereux, ou dont la balance bénéfices/risques est défavorable.
Elle publie depuis février 2013 une liste de « médicaments à écarter », médicaments dont les avantages thérapeutiques ne compensent pas les risques qu’ils représentent.
Fin 2023, parmi les médicaments autorisés en France ou dans l’Union européenne qui ont été analysés par Prescrire entre 2010 et 2023, 105 médicaments sont plus dangereux qu’utiles dans toutes les indications figurant dans leur AMM, dont 88 sont commercialisés en France. Il s’agit :
- de médicaments actifs, mais qui, compte tenu de la situation clinique, exposent à des risques disproportionnés par rapport aux bénéfices qu’ils apportent ;
– de médicaments anciens dont l’utilisation est dépassée, car d’autres médicaments plus récents ont une balance bénéfices-risques plus favorable;
– de médicaments récents, dont la balance bénéfices-risques s’avère moins favorable que celle de médicaments plus anciens ;
- de médicaments dont l’efficacité n’est pas prouvée au-delà de celle d’un placebo, et qui exposent à des effets indésirables particulièrement graves.
L’évaluation des médicaments par Prescrire s’appuie sur une recherche documentaire méthodique et reproductible, et un travail collectif d’analyse selon une procédure établie :
- hiérarchisation des données d’efficacité avec priorité aux données de plus fort niveau de preuves, et d’abord celles issues d’essais comparatifs randomisés, en double aveugle ; – comparaison au traitement de référence (médicamenteux ou non), quand il en existe un, à la suite de la détermination précise du meilleur traitement comparateur ;
- analyse des résultats basés sur les critères d’évaluation cliniques les plus pertinents pour les patients, au-delà des critères intermédiaires, tels que des résultats biologiques, sans preuve d’une efficacité sur la qualité de vie des patients.
Guinéesanté.info, votre site d’information spécialisé dans le domaine de la santé, dans une série de publications, se fait le devoir de reprendre chaque semaine, le bilan mis à jour en fin 2023 des médicaments que Prescrire conseille d’écarter en 2024 pour mieux soigner les patients. Il s’agit des médicaments par domaine thérapeutique, et, dans chaque domaine, par ordre alphabétique des dénominations communes internationales (DCI).
Cette semaine, nous vous présentons les médicaments dans le domaine thérapeutique cancérologie, greffes et hématologie.
Cancérologie Greffes – Hématologie
- Le défibrotide (Defitelio°), un antithrombotique autorisé dans la maladie veino-occlusive hépatique sévère liée à une greffe de cellules souches hématopoïétiques, n’a pas été plus efficace pour réduire la mortalité ni pour obtenir une rémission complète de la maladie que des soins symptomatiques, dans un essai non aveugle. Et il expose à des hémorragies parfois mortelles. Il est plus prudent de se concentrer sur les mesures préventives et les traitements symptomatiques.
- Antitumoraux. Divers antitumoraux ont une balance bénéfices-risques nettement défavorable. Ils sont souvent autorisés dans des situations où les autres traitements semblent inefficaces. Plutôt que d’exposer les patients à une toxicité importante sans bénéfice clinique le justifiant, il est prudent de choisir de se concentrer sur des soins symptomatiques adaptés et sur la préservation d’une certaine qualité de vie.
- Le mifamurtide (Mepact° – non commercialisé en France) en ajout à une chimiothérapie dans les ostéosarcomes, n’a pas d’efficacité démontrée pour allonger la durée de vie, et il expose à des réactions d’hyper sensibilité graves, des épanchements pleuraux et péricardiques, des effets indésirables neuro logiques, des surdités. Il est plus prudent de proposer une chimiothérapie sans mifamurtide.
- Le nintédanib (Vargatef° – non commercialisé en France), un inhibiteur de tyrosine kinases avec un effet anti angiogenèse, autorisé dans certains cancers bronchiques non à petites cellules, en ajout au docétaxel (Taxotere° ou autre), n’a pas d’efficacité démontrée pour allonger la durée de vie. Il expose à des atteintes hépatiques et aux nombreux effets indésirables graves liés à l’inhibition de l’angiogenèse, dont : thromboses veineuses, hémorragies, hypertensions artérielles, perforations digestives, troubles de la cicatrisation.
- Le panobinostat (Farydak°) n’a pas d’efficacité démontrée pour allonger la durée de vie dans le myélome multiple réfractaire ou en rechute. Il expose à de nombreux effets indésirables souvent graves et qui touchent des fonctions vitales, hâtant la mort de nombreux patients.
- Le roxadustat (Evrenzo°), un antianémique autorisé dans l’anémie liée à une insuffisance rénale chronique, n’est globalement pas plus efficace que les époétines pour corriger l’anémie, alors qu’il semble augmenter la mortalité, notamment chez des patients dialysés. Son profil d’effets indésirables semble proche de celui des époétines, mais certains effets potentiellement graves semblent plus fréquents, notamment : thromboses de l’accès vasculaire (essentiel pour réaliser la dialyse), sepsis et troubles hépatiques. Une époétine reste une meilleure option.
- La trabectédine (Yondelis° ou autre), sans efficacité tangible démontrée par des essais comparatifs dans les cancers de l’ovaire et les sarcomes des tissus mous, expose à des effets indésirables graves très fréquents, digestifs, hématologiques, hépatiques et musculaires. Dans les cancers de l’ovaire, il n’est pas raisonnable de l’ajouter à une chimiothérapie à base de sel de platine. Dans les sarcomes des tissus mous, quand les chimiothérapies n’ont pas été efficaces, mieux vaut se concentrer sur des soins symptomatiques visant à limiter les conséquences cliniques de la maladie.
- Le vandétanib (Caprelsa°) n’a pas d’efficacité démontrée pour allonger la durée de vie dans les cancers médullaires de la thyroïde métastasés ou non opérables. Les essais cliniques, en comparaison à un placebo, comportent trop de perdus de vue (patients ayant quitté l’essai avant la fin) pour démontrer un allongement du délai avant aggravation du cancer ou décès. Il expose un tiers des patients à des effets indésirables graves (diarrhées, pneumo nies, hypertensions artérielles), et aussi à des pneumopathies interstitielles, des torsades de pointes et des morts subites.
- La vinflunine (Javlor°) est d’efficacité incertaine dans les cancers de la vessie avancés ou métastasés, avec un allongement de la durée médiane de survie limitée au mieux à deux mois par rapport aux soins symptomatiques, selon un essai clinique de faible niveau de preuves. Elle expose à des effets indésirables hémato logiques fréquents (dont des aplasies médullaires), des infections graves et des troubles cardio-vasculaires (torsades de pointes, infarctus du myocarde, ischémies cardiaques) parfois mortels.
Source: Prescrire