Gestion du CHU Donka : un salaire mensuel de 23 800 USD par expert, une pilule difficile à avaler par le personnel local.

Dans le cadre de l’amélioration de l’offre des soins spécialisés en Guinée, l’Etat guinéen avec l’appui du Fonds saoudien  et de la Banque Islamique de Développement (BID) a procédé à la rénovation et à l’équipement de l’hôpital national Donka pour un montant de plus de 100 millions de dollars US. Après plusieurs tentatives sans succès pour la mise en service totale du Centre Hospitalier Universitaire de Donka (CHU DONKA), les autorités de la transition en cours depuis le coup d’état  du 05 septembre 2021, multiplient des actes pour le rendre opérationnel.

Le 11 mars 2022, le gouvernement guinéen représenté par le ministère de la santé et de l’hygiène publique a signé un contrat avec la société Nestsen Group de droit canadien, une convention de concession. Pour donner un coup d’accélérateur, le conseil des ministres du jeudi 14 avril a demandé de Créer par décret portant statuts d’exception du nouveau Centre Hospitalier Universitaire de Donka (CHU DONKA) qui prendra en charge toutes les activités, sous la responsabilité directe du concessionnaire de gestion.

C’était sans compter sur l’avis du personnel qui voit en cette concession, le bradage d’un patrimoine national. Dans un mémorandum de 17 pages dont votre quotidien d’information en ligne spécialisé dans le domaine de  la  santé, le site www.guineesante.info  détient une copie, il (personnel) rejette en bloc les termes de la concession du plus grand centre hospitalier du pays.

L’accord  intitulé concession d’exploitation et de gestion de l’hôpital national Donka passé entre le gouvernement guinéen et la société Nestsen Group n’est pas du gout du personnel soignant et administratif. Dans un mémorandum rédigé et adressé aux autorités du pays à travers le ministère de la santé et de l’hygiène publique, il dénonce un concessionnaire qui n’apporte rien d’autres en dehors de l’expertise technique. Toutes les autres charges (personnel national, fournitures médicales, hôtellerie, maintenance, dotations pour risques et provisions) sont supportées par l’Etat. Dès lors, on n’est pas dans le cas d’une concession classique de service public hospitalier.

Le contrat qui confie l’exploitation et la gestion de l’hôpital au concessionnaire ne détermine pas le rôle de la direction générale  nommée par le président de la république. Entrainant ainsi l’existence deux directions qui va sans risque de se tromper, conduire à un double subventionnement de la part de l’Etat.

Le montant global de la concession est  de 28 580 000 USD pour une durée de cinq (5) ans, soit 5 776 000 USD par an hors taxes par mois. Ceci correspond à une rémunération moyenne mensuelle par expert  de 23 800 USD. Ce qui est excessif pour le personnel qui  trouve d’ailleurs ce montant  largement au-dessus des standards de certaines institutions comme la banque mondiale. Les annexes qui justifient ces montants ne sont pas explicites évoque-t-il dans le mémorandum. Une pilule difficile à avaler par le personnel local.

Pire, le nombre d’experts proposé, pléthorique aux yeux du personnel ne tient même pas compte de la disponibilité de compétences nationales. Il ne trouve pas certains postes comme ceux de la formation et  relations avec les universités, des soins cliniques, du laboratoire et de la pharmacie essentiels. En outre, leur plan de déploiement n’est pas joint au contrat a-t-il fait remarquer dans le mémorandum.

En matière de gouvernance, le personnel soignant et administratif n’est pas en reste. Il s’insurge contre les modalités de paiement retenues dans la concession, à savoir la rémunération totale par tranches avant même la réalisation de la prestation et sans l’évaluation du service rendu. Ce qui n’est pas selon lui, en harmonie avec les contrats classiques de prestations de services. A en croire aux mécontents de l’hôpital Donka, les modalités de paiement proposées sont donc à risques et ne tiennent pas compte de la programmation annuelle du budget national.

Autre grief porté à l’encontre du contrat est la date du transfert de compétences prévue seulement à partir de la fin de la troisième année, alors qu’il est possible de le mettre en marche dès l’ouverture de l’hôpital en désignant des homologues, estime le personnel local.

C’est une panoplie de manquements dénoncés par le personnel local de l’hôpital Donka qui sollicite la mise en place d’un comité de pilotage technique composé de représentants du ministère de la santé, de la direction générale de l’hôpital et du concessionnaire qui aura pour mission de valider la feuille de route définie par ce dernier et modifier le contenu de la concession dans ses aspects problématiques, notamment la gestion unilatérale de l’hôpital, les modalités de paiement pour deux ans, le montant à payer, le nombre d’experts à déployer en tenant compte des compétences nationales disponibles.

Malheureusement, le décret du colonel Mamadi Doumbouya fixant statut, missions et attributions du CHU Donka lu dans la soirée du lundi 04 juillet 2022 sur les antennes des médias d’état, ne prend pas en compte  toutes les revendications portées par le personnel administratif et soignant. Il entend d’ailleurs exprimer  sa colère ce mercredi 06 juillet 2022.

La rédaction.